«pièce didactique sans doctrine»
de Max FRISCH, traduite de l’allemand par Philippe PILLIOD
titre original : Biedermann und die Brandstifter
D’une brûlante actualité, cette pièce de Max Frisch (1911-1991), date de 1948 mais n’a pas pris une ride. Outre le fait qu’elle manie un humour grinçant, elle montre comment on peut facilement collaborer à sa propre perte et, surtout, elle met en lumière la peur d’avouer qu’on a peur, un sentiment inconfortable et malsain dont notre notre société souffre encore.
Qui est Monsieur Bonhomme? Un petit bourgeois réactionnaire dont l’entreprise fabrique des lotions capillaires. Chez cet individu en tout point médiocre, son arrogance couplée à sa lâcheté, sa mauvaise foi dérangent. C’est qu’il se croit toujours dans son bon droit, même quand après avoir profité d’un employé, il le licencie, l’acculant au suicide. Il appartient à cette espèce d’être humain qui méprise (et maltraite pour peu qu’il en ait l’occasion) celui qu’il estime se trouver au-dessous de lui, que ce soit à la maison, au bureau ou dans la société. S’il n’avait cette sotte prétention, il passerait inaperçu. Monsieur Bonhomme, c’est l’incarnation même de Monsieur-tout-le-monde: il est très représentatif de la société dans laquelle il vit. Parce que, malgré ses fanfaronnades, il a peur et il est faible.
En vertu du principe selon lequel ce qui se fait ne se dit pas et ce qui se dit n’est jamais fait, Théodore Bonhomme laisse entrer dans sa demeure deux individus louches : Goulot et Durassier. Il a pourtant lu la une des journaux qui relate la mise à feu de la ville par d’anarchistes incendiaires. Il a même exprimé publiquement son indignation au café du coin.
Le choeur des pompiers, qui dénonce l’aveuglement humain et prédit la catastrophe à la manière des chœurs des tragédies antiques, le constate lui-même : Bonhomme a bien deviné que ces gars-là sont des incendiaires mais trop tard, la bonne les a laissé entrer et il ne sait pas comment s’en débarrasser. Habitué au double langage, il ne peut concevoir qu’on dise crûment la vérité sans détour. Cela heurte son éducation hypocrite. Alors au lieu de parler vrai, il les laisse s’installer au grenier où les gredins vont, sans s’en cacher, accumuler des barils d’essence en vue de leur opération… Mais vouloir être gentil et faire ami avec l’ennemi est un mauvais calcul, comme on ne va pas tarder à s’en apercevoir...
On rit jaune dans cette farce absurde dont le metteur en scène n’a pas hésité à forcer les traits grotesques. Elle dénonce le politiquement correct qui oblige à obéir aux injonctions de la charité chrétienne et à se sentir coupable d’éprouver de la défiance vis-à-vis de l’étranger: toute ressemblance avec l’actualité est voulue.
Texte: Valérie Lobsiger
Photos: Bernadette Guenot
DISTRIBUTION
Yves SEYDOUX, Monsieur Bonhomme, Théodore
Marie Claude REBER, Madame Bonhomme, Babette
Maude BONVIN, Anna, la bonne
Jérémie MILLOT, Joe Goulot, lutteur de foire
Vincent LAURENT, Alphonse -Marie Durassier, dit Fonfon
Antonin PETIT, le policier / l'intellectuel
Jean-François PERROCHET, Guénon
LE CHŒUR DES POMPIERS
Maria BARRELET-DONOVA (direction et adaptation musicale)
Valérie LOBSIGER (Coryphée)
Francine RANDIN
Olga BOBROWSKA-BRACCINI
ADAPTATION ET MISE EN SCÈNE
Jérémie MILLOT
COSTUMES
Marianne REUSS-JATON
DÉCOR ET TECHNIQUES
Beat REBER